Cérémonie en mémoire des victimes et héros de la déportation.
Actualité
Mise à jour le 30/04/2023
Dimanche 30 avril 2023.
Allocution de Delphine Bürkli, Maire du 9e arrondissement de Paris.
« L'oubli
signifierait danger et insulte. Oublier les morts serait les tuer une deuxième
fois. Et si, les tueurs et leurs complices exceptés, nul n’est responsable de
leur première mort, nous le sommes de la seconde ».
Tels
sont les mots d’Elie Wiesel, prix Nobel de la paix né dans les confins de la
Transylvanie à l’aube de l’automne 1928 et déporté avec les siens, car juifs,
dans l’enfer d’Auschwitz-Birkenau puis de Buchenwald.
Héritiers
d’une histoire avec ses parts d’ombres, la nôtre, il nous revient de l’assumer
pleinement et de la transmettre. C’est tout le sens du poème « Il faudra
que je me souvienne » de Micheline Maurel, résistante et déportée, lu à
l’instant par notre ami Joël-Yves Le Bigot que je tiens à remercier.
C’est
la loi du 14 avril 1954 qui a instauré cette cérémonie qui nous réunit chaque
dernier dimanche d’avril pour lutter contre cet oubli si bien décrit par Elie
Wiesel, pour faire vivre le souvenir de ces drames personnels souvent tus, et
pour honorer la mémoire de celles et ceux qui « étaient vingt et
cent », qui « étaient des milliers » (Nuit et brouillard,
Jean Ferrat).
Parmi
eux, des résistants, des syndicalistes, des juifs, des tziganes, des
handicapés, des homosexuels. Ils étaient avant tout des femmes et des hommes et
furent traqués, déportés, humiliés, exterminés par le régime nazi puis par la
complicité d’une poignée de main à Montoire.
Si à
la libération des camps, les rescapés ont retrouvé la liberté, chacune de leur
existence fut à tout jamais « une nuit longue et verrouillée » (La
nuit, Elie Wiesel).
En
78 ans et en responsabilité, nous avons collectivement fait face à notre
Histoire, notamment grâce à vous, membres des associations, afin que ni le
temps ni le projet nazi, n’aient raison de l’oubli de ces enfants, femmes et
hommes qui ne sont jamais revenus, et de toutes celles et ceux qui ont sauvé
des existences.
C’est
également tout le projet du mémorial de la Shoah ouvert en 2005 à quelques
encablures d’ici dont je tiens à saluer le travail remarquable de recherche et
de documentation afin qu’aucun nom, qu’aucun déporté ne soit jamais oublié. Je
souhaite en particulier rendre honneur au travail sans relâche d’Eric de
Rothschild, de François Heilbronn et de Jacques Fredj.
A
leurs côtés, le 18 avril dernier à l’occasion de Yom HaShoah, je lisais les
noms de dix déportés envoyés dans des wagons à bestiaux pour cette
« gare-là » selon les mots de la résistante Charlotte Delbo lus à
l’instant par vous, Madame la présidente, chère Yvonne Kochanska-Longuet.
Ils
s’appelaient Bella Petilon, Louna Petilon, Sylvain Petilon, André Picard, Fanny
Picard, Joseph Picard, Jean Picard, Jules Picard, Maurice Picard et Alfred
Pick. Ils étaient français et juifs. Ils faisaient partie du convoi n°74 pour
« Pitchipoï » et avaient 9, 12 ou 15 ans. Des enfants donc. Ils n’avaient
devant eux rien d’autre que l’avenir. Un avenir qui leur a été arraché.
Parmi
ces convois pour l’horreur, il y avait également le n°34. Celui de Charles
Baron, né à Paris dans l’entre-deux-guerres, d’un père d’origine polonaise et
d’une mère française. Interné à Drancy avant d’être déporté en 1942, Charles
Baron a fait du témoignage de l’horreur de la déportation le projet de sa vie.
Avec son épouse Micheline, nous avons souhaité que son empreinte soit à jamais
inscrite ici et il y a six ans, maintenant, en 2017, nous avons inauguré un
salon de la mairie du 9e qui porte son nom.
Enfin,
cette cérémonie est également l’occasion d’honorer les destins de ceux qui ont,
avec bravoure et au péril de leur vie, sauvé celle de tant d’autres.
En
2018, nous inscrivions à la liste des habitants du 9e « morts pour la
France » le nom de Moritz Singer. Il mena des actes de résistance pour
défendre les valeurs de la France libre, celle du Général de Gaulle, pour
combattre dans l’ombre le nazisme. Il fut arrêté à son domicile rue de Trévise
puis fusillé au mont Valérien le 15 décembre 1941.
Tout
comme lui, Pierre Weill et Michel Tagrine, étudiants au lycée Condorcet dans le
9e, se levèrent contre l’hydre nazie. Alors qu’ils étaient en mission de
liaison, ils furent interpellés par des miliciens français à quelques mètres
d’ici, au carrefour Richelieu Drouot. Ouvrant le feu pour se défaire du piège,
Michel Tagrine blessé au bras parvint à s’enfuir. Pierre Weill y laissa sa vie.
Nous
tous, aujourd’hui, ici, maintenant, avons une très lourde responsabilité, celle
de ne jamais effacer de la conscience humaine ce qu’ont enduré ces hommes, ces
femmes, ces enfants. D’être la mémoire de leur mémoire. De nous engager à ce
que leur nom et leur souffrance ne disparaisse jamais de l’histoire
universelle. C’est une responsabilité et un combat de tous les instants,
inenvisageable sans le concours des anciens combattants, des derniers
survivants, à qui je veux hommage, des citoyens, des pouvoirs publics et de
l’avenir de notre pays, les jeunes générations.
Un
engagement comme une promesse que nous honorons en cette journée nationale du
souvenir des victimes et des héros de la déportation.
Merci
à vous pour votre présence fidèle.
Vive
la République et vive la France !"