Évènement

INAUGURATION DE LA PLACE CHAVARCHE ET ARPIK MISSAKIAN - Allocution de Delphine Bürkli, maire du 9e arrondissement - vendredi 21 avril

Mise à jour le 21/04/2023
« Cette cérémonie a forcément une saveur toute particulière. Parce que, sans déflorer de secrets, j’avais pour la personnalité que nous honorons ce matin Madame Arpik Missakian, une grande affection et un profond respect. Madame Missakian a marqué mon enfance et mon adolescence, elle a été pour moi un guide, un exemple, celui d’une femme exceptionnelle, une femme forte, intransigeante sur ses valeurs, une femme de caractère, toujours juste et bienveillante.
Alors, c’est vrai, c’est avec une certaine émotion que je vous accueille ici à l’occasion de l’inauguration de ce lieu qui prendra dans quelques instants le nom de « place Chavarche et Arpik Missakian » venant ainsi combler un manque. Lorsque Bertrand Delanoë alors maire de Paris et mon prédécesseur Monsieur Bravo ont décidé de donner le nom de Chavarche Missakian à ce lieu en 2007, j’accompagnais Madame Missakian ici en tant qu’amie, comme toi cher Alexis Govciyan, elle t’aimait beaucoup. Parce que finalement, c’est surtout grâce à elle que nous nous sommes connus. Je sais à quel point, elle qui masquait beaucoup ses émotions, était sensible à notre arrivée tous les deux à la mairie du 9e, en 2014. Elle nous l’avait dit avant son dernier grand voyage. Je me souviens de nos derniers échanges avec émotion.
Évidemment, nous n’avons pas connu son père disparu dans les années 50, mais je peux dire que j’ai eu le privilège de grandir au contact d’Arpik Missakian, sa fille unique. Chaque fin de semaine, le samedi, nous nous retrouvions chez mes parents, elle venait seule souvent, ou parfois accompagné de la sœur de Charles Aznavour ou d’un ami proche … Grâce à elle, j’ai appris à aimer l’Arménie, son peuple, son histoire, ses enjeux. Je me souviens qu’en 1988, après le tremblement de terre qui a fait 25.000 morts, elle était retournée dans son pays de cœur. Parce que elle, qui était née en France et n’avait plus de famille en Arménie, restait arménienne dans le sang. Elle disait d’ailleurs, « quelle que soit l'intégration dans un pays, il est indispensable de garder ses racines. Cela passe notamment par la maîtrise de sa langue maternelle ». D’où la publication d’Haratch, chaque jour, en langue arménienne auquel elle consacra 60 ans de sa vie. C’était, si j’ose dire, sa raison d’être et de vivre.
Née ici à Paris dans l’entre-deux-guerres, le 1er février 1926, Arpik Missakian avait épousé la vocation de son père journaliste et fondateur du premier quotidien en langue arménienne d’Europe. À sa disparition, le 26 janvier 1957, Madame Missakian avait fait sien le leitmotiv « Haratch » qui signifie « en avant ! » et reprenait le flambeau et les rênes du journal jusqu’en mai 2009 après 22 214 numéros. Arpik Missakian avait alors 83 ans, elle a continué jusqu’à sa mort à œuvrer pour pérenniser, poursuivre et transmettre le travail initié par son père au service de la mémoire et de l’identité culturelle arménienne.
Je le disais, elle a tiré sa révérence le 19 juin 2015. Une année particulière puisque c’était l’année du centenaire du génocide arménien. Cette année-là, Alexis, tu étais président de la mission 2015 du CCAF pour Paris et toute la France, et vous, M. Ternon, l’ami fidèle de Madame Missakian, vous étiez le président du conseil scientifique de cette mission. Vous avez apporté toute la dimension scientifique à ces évènements majeurs. Je n’oublie pas non plus tout l’engagement qui a été le vôtre pour faire reconnaitre le génocide arménien en 2001. Avec Alexis, en 2015, nous avions préparé aussi dans tout l’arrondissement les cérémonies du centenaire, le premier d’une liste insoutenable de génocides qui furent la triste marque du 20e siècle. Nous avions notamment consacré tout un mois à ce pays, le vôtre, chère Hasmik, l’Arménie.
Notre ambition qui demeure intacte aujourd’hui visait à faire découvrir à nos concitoyens, petits et grands, cette histoire qui nous dépasse autant qu’elle nous oblige.
Depuis, tous les ans, le travail de mémoire s’intensifie avec des expositions, des spectacles ou encore des évènements comme celui que nous avons tenu à consacrer en 2021 sur la situation alarmante car épouvantable des Arméniens du Haut-Karabakh. Je veux saluer chaleureusement toutes celles et ceux qui, comme la Maison de la culture arménienne, rue Bleue, œuvrent pour la visibilité non seulement de cet Etat du Caucase mais également celle de nos frères et sœurs arméniens qui luttent quotidiennement face à l’insoutenable. Sur le fronton de la mairie du 9e, et ce depuis plusieurs mois maintenant et depuis l’agression subie par l’Arménie et l’Artsakh, le drapeau arménien flotte aux côtés des drapeaux français et européen et nous avons tenu à installer aussi sur la façade de la mairie le magnifique portait d’une petite fille de Goris pour nous rappeler la situation dramatique endurée par ses enfants et la population. Merci à toi chère Lydia Kasparian.
Citoyenne française engagée, Arpik Missakian était de celles et ceux qui, tapis dans l’ombre et loin de l’Arménie, ont joué et continuent à jouer, un rôle essentiel auprès des décideurs qu’ils soient politiques, culturels, cultuels mais aussi auprès de Français d’origine arménienne.
Au regard de son héritage intellectuel et moral et de son sens citoyen, nous avions le souhait que son nom rejoigne celui de son père inscrit sur la plaque de cette place. Merci chère Laurence d’avoir soutenu notre initiative et le vœu que nous avons soumis au vote et qui a été approuvé par les élus parisiens à l’unanimité.
Bien que petite par sa taille, cette place demeure grande par sa portée symbolique. Dans quelques instants le nom d’Arpik rejoindra celui de son père, un rescapé du génocide arménien de 1915, fondateur du seul quotidien arménien Haratch connu et reconnu pour ses actions et son engagement citoyen, culturel et journalistique.
Honorer Arpik Missakian et son père Chavarche Missakian aujourd’hui, dans le contexte tragique que connait l’Arménie et à quelques jours de la Journée nationale de commémoration du génocide arménien est un choix et un engagement fort. Ce matin, nous nous retrouvons ici car ces deux personnalités unies par les liens du sang symbolisent tout ce qui nous est cher : la mémoire, la citoyenneté, l’amour de la France et l’amitié franco-arménienne.
Nous nous rappelons ainsi tous les ans, comme nous le faisons aujourd’hui, qu’avec l’arrestation dès le 24 avril 1915, d’intellectuels arméniens et de dirigeants communautaires à Constantinople, un million et demi d’Arméniens ont été déportés, massacrés, mis à mort dans le cadre d’une opération délibérée, planifiée et mise en œuvre par l’empire ottoman.
Alors ce matin, à travers Madame Missakian, nous rendons hommage à toutes les victimes du génocide arménien afin que les abominations du passé ne soient jamais perdues pour l’Histoire. Souvenons-nous en pour rester toujours vigilants et en alerte face à la haine acerbe sous toutes ses formes.
Hommage enfin et reconnaissance à tous les Arméniens, combattants, résistants, morts pour la France."

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