Commémoration de la Victoire du 8 mai 1945 - Allocution de Delphine Bürkli, maire du 9e arrondissement de Paris - 8 mai 2023
Évènement
Mise à jour le 08/05/2023
« Alors que notre pays entrait éprouvé dans sa sixième
année d’une guerre cauchemardesque, son destin changea dans le silence d’une
nuit. Celle du 6 au 7 mai 1945.
C’est sur les rives de la Marne, à Reims, là où le
général Eisenhower avait installé ses quartiers à l’aube de l’année 1945, que
le Troisième Reich à la dérive capitula.
Formulée à la hâte en moins de deux pages dénuées de
ruban et de sceaux de cire, la reddition se résumait en un texte dactylographié
aussi concis qu’intelligible.
L’essentiel était là. À 2h41, le 7 mai 1945, les
quatre signatures apposées sur cet acte formalisaient non seulement la
capitulation sans condition de l’Allemagne nazie mais aussi la
fin de six longues années d’atrocités en Europe qui prendrait effet,
le lendemain, mardi 8 mai 1945 à 23h01.
C’est ce jour-là, le 8 mai 1945 à Berlin, huit jours
après la mort de celui qui avait fait régner la terreur et le malheur depuis
1933 de l’Europe et du monde, qu’un nouvel acte de capitulation est signé en
présence du Haut Commandement allemand, des représentants de l’URSS, des
États-Unis d’Amérique, du Royaume-Uni et de la France.
Ce 8 mai 1945, bien que « haïssant la
guerre », pour reprendre les mots de Robert Desnos lus par Chloé Flament,
« ces cœurs » endurants et épris de liberté, sous l’uniforme ou dans
la clandestinité, ont donc fini par vaincre. Tant pour leur patrie, la France,
que pour les valeurs qu’ils avaient chevillées au corps à l’instar de
Saint-Exupéry qui écrivait quelques jours avant de partir pour ce qui sera son
ultime mission aux commandes de son bimoteur Lightning P38 : « Donner un sens à
sa vie, c’est donner un sens à sa mort ». Tout comme lui, ils furent des
milliers à donner un sens à leur mort, et ainsi à notre liberté retrouvée.
Il y a soixante-dix-huit ans jour pour jour, ce 8 mai
1945 marquait le premier jour d’une nouvelle ère pour le monde libre. A
15 heures tapantes, toutes les capitales occidentales signifièrent
l’espérée et tant attendue Victoire des Alliés par le truchement des ondes de
la radio parfois grésillantes.
Chacun dans leur langue et dans leur style, Winston
Churchill à Londres, Harry Truman à Washington et Charles de Gaulle à Paris
annoncèrent à la fois « la Victoire des Nations unies » (Général
de Gaulle à la radio le 8 mai 1945), la fin du conflit le plus
meurtrier de l’Histoire et d’un système ignominieux de
négation de la liberté et de la dignité humaines. Car oui, tant sur les
champs de bataille que dans les camps, les pertes humaines se comptèrent,
hélas, en dizaines de millions.
Civils ou militaires, célèbres ou anonymes, engagés
dans la Résistance ou non, ils furent nombreux, tout comme cette petite Annette
Muller raflée et parquée au Vel d’Hiv racontée à l’instant par Joséphine Kraif,
à ne jamais retrouver ni les leurs, ni leur « chez eux ». Nous leur
rendons hommage.
La semaine dernière, nous les honorions au cours de la
journée nationale du souvenir des victimes et des héros de la déportation et
nous prenions l’engagement, celui de ne jamais effacer de la conscience humaine
ce qu’ont enduré ces hommes, ces femmes, ces enfants. D’être la mémoire de leur
mémoire. De nous engager à ce que leur nom et leur souffrance ne disparaisse
jamais de l’histoire universelle. Un engagement comme une promesse, une
responsabilité et un combat de tous les instants.
S’il faudra attendre la fin de l’été 1945 pour que les
combats cessent dans le Pacifique, à Paris les cloches sonnent à toute volée en
ce jour de printemps 1945. Non loin d’ici, la place de l’Opéra est envahie par
une joie immense et une foule nombreuse et compacte de Parisiens dont la ville
a été libérée du joug nazi depuis tout juste neuf mois. On s’enlace, on
s’embrasse, on pavoise aux couleurs alliées.
Fin d’un conflit militaire et moral, cette date est
aussi un renouveau. Si le 8 mai 1945, rien ne le
laissait présager, soixante-dix-huit ans plus tard, cette date entrée dans
l’Histoire est synonyme de réconciliation et de reconstruction rendues
possibles par des esprits qui avaient pourtant mille raisons d’être revanchards
mais qui ont fait le choix infiniment plus difficile d’œuvrer pour la paix. Je
pense à Robert Schuman, ou à Simone Veil, qui malgré « l’impossible
pardon » a su placer l’intérêt collectif au-dessus de son martyr
personnel. Grâce à ses femmes et à ses hommes exceptionnels, qui ont souffert
dans leur chair les horreurs de la guerre, l’Europe s’est imposée depuis
bientôt huit décennies comme un projet politique et un espace de paix, de
liberté et de prospérité.
Bien d’entre nous, qui sommes d’une génération n’ayant
pas connu la guerre que nous croyions naïvement réservée à d’autres, avons
découvert qu’elle pouvait poindre aux portes de l’Europe. Celle-ci a resurgi le
24 février 2022 dans nos vies, avec ses bruits de canons et ses souffrances,
aux portes de l’Europe, pour nos frères et sœurs ukrainiens qui vivent depuis
plus d’un an sous les bombes du régime autocratique russe.
Dans ce contexte qui nous rappelle la fragilité de ce
qui été acquis de haute lutte : réaffirmer notre soutien indéfectible à
l’Ukraine et à son peuple et notre attachement inconditionnel au droit
international et aux valeurs de paix, de dignité humaine et de souveraineté est
à la fois notre devoir mais aussi le meilleur
hommage que nous puissions rendre à celles et ceux qui ont œuvré il y
a des décennies pour que l’Europe soit un espace libre, de paix et de
tolérance.
Soixante-dix-huit ans après et à l’heure où nos
démocraties occidentales traversent des zones de turbulence, je formule le vœu
que l’engagement exemplaire de celles et ceux qui ont fait triompher en 1945 la
démocratie, les droits humains les plus élémentaires et l’idée européenne
continue de donner le goût de la citoyenneté et de l’engagement aux jeunes
citoyens d’aujourd’hui et de demain.
Vive la République, vive la France ! »